Action en prévention fondée sur la reconnaissance d’un préjudice écologique causé par le chalutage de fonds en zone Natura 2000

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Il est établi scientifiquement que le chalutage de fond génère d’importants dommages pour l’écosystème marin, susceptibles de constituer un préjudice écologique. En effet, les engins de pêche trainants font l’objet d’une utilisation généralisée en Europe. Les zones maritimes Natura 2000 sont 59 % plus intensément chalutées que les zones marines non protégées, et l’abondance des espèces sensibles (requins, raies) décroit jusqu’à 69 % dans les AMP fortement exploitées.

L’agence européenne de l’environnement dresse une perspective alarmante sur l’état de l’environnement marin de l’Union. Les sites Natura 2000 marins français font partie des sites les plus intensément exploités par la pêche au chalut en Europe, comme en témoigne cette récente question écrite du Parlement européen à la Commission :

« Une analyse réalisée récemment par Oceana à partir de données satellitaires a établi qu’en 2020, plus de 2,5 millions d’heures de pêche de fond avaient été pratiquées dans les zones marines protégées (ZMP). Ces données révèlent la perpétuation d’une pêche extensive destructrice dans l’UE. L’Allemagne, les Pays-Bas, la France et le Danemark possèdent les sites dans lesquels le chalutage est le plus pratiqué ». 

En juillet 2020, la France a d’ailleurs été mise en demeure par la Commission européenne de prendre instamment les mesures nécessaires pour réduire les prises accessoires. En juillet 2021 elle a été à nouveau mise en demeure de mettre sa flotte en conformité avec les règlements de contrôle des navires et de lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (pêche INN). Aucun des sites sur les zones Natura 2000 du Golfe de Gascogne, « Mers Celtiques-Talus du Golfe de Gascogne » n’a à ce jour de plan de gestion. Le 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Paris a reconnu la carence de l’État dans la protection des cétacés démontrée par les données de l’observatoire PELAGIS au visa notamment de la directive HABITATS et du règlement UE no 1380/2013 du 11 décembre 2013. Il reconnaît ainsi implicitement un préjudice écologique. En outre, un autre recours initié par FNE et SEA SHEPHERD ayant trait à ce que soient prononcées des mesures pour réduire les prises accessoires de dauphins communs dans le golfe de Gascogne est en cours.

Le mécanisme du Code civil sur la réparation du préjudice écologique n’a pas été invoqué par SEA SHEPERD devant le TA de Paris, ce qui explique que le juge n’a pas strictement reconnu un préjudice écologique au sens de l’article 1247 du Code civil. Le juge avait seulement à se prononcer sur le préjudice extrapatrimonial de l’association, tout le préjudice, mais rien que le préjudice. Néanmoins, cette jurisprudence constitue une première étape à la reconnaissance d’un préjudice écologique qu’il conviendra de compléter par la démonstration de l’atteinte non négligeable à :

  • d’autres éléments des écosystèmes (p. ex. cétacés + fonds marins, stocks de poissons…).
  • à des fonctions écosystémiques,
  • à des bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement

La reconnaissance par le juge d’un préjudice écologique causé par le chalutage de fonds sur une zone Natura 2000 aura deux intérêts :

  • l’obligation de réparation du dommage par des mesures fondées sur la loi LRE,
  • l’obligation de prévention du dommage qui implique à fortiori d’interdire cette pratique de pêche sur la zone visée.

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